– 32 % : le faux-pas d’un virage stratégique sous influence

Le contexte

“Go woke, go broke” ? L’adage semble vrai pour Victoria’s Secret. En 2021, la marque de lingerie doit relancer une activité économique en perte de vitesse. Elle souffre de la réputation de véhiculer une image érotisée et caduque de la femme. Certains l’accusent même de sexisme, de transphobie, ou de grossophobie en raison des standards “classiques” qu’elle utilise. 

Mise au pied du mur, elle décide de réagir : terminé les mannequins longilignes et les défilés “à l’ancienne”. Cap sur l’inclusivité ! La marque fait peau neuve, de l’extérieur comme de l’intérieur. Le comité de direction jusqu’alors composé d’hommes est intégralement remplacé par des femmes (à l’exception du CEO). Un  nouveau groupe de mannequins ambassadeurs est constitué, “plus en phase avec la réalité” : les stars ultra-érotisées laissent place à de nouveaux stéréotypes censés être plus actuels : rond, coloré, “normal”. 

La remise en cause est toujours louable, mais la perspicacité aussi. La marque a-t-elle commis un faux-pas stratégique et marketing historique ?

Les conséquences

  1. Désaveu du public : 23% des Américaines interrogées avouent préférer la marque avant changement
  2. Dévalorisation de l’action de 32% – si la nouvelle orientation n’est pas le seul facteur, elle n’a pas non plus contenu cet effondrement
  3. Repositionnement brutal sans continuité avec l’historique de marque et “dicté” par l’idéologie consensuelle

Le déni de soi, un suicide économique ?

Moderniser son image ou son identité et assimiler de nouveaux standards est une logique marketing saine. Mais un virage à 180° ne s’appuie sur aucune légitimité et peut être perçu comme une trahison par la clientèle qui adhérait à la promesse originelle de marque. 

En optant pour une stratégie de niche – celle des tendances de minorités – la grande enseigne de lingerie perd le contact du marché de masse des femmes qui achetaient la part de rêve ou la qualité reconnue de Victoria’s Secret, sans pour autant être crédible auprès du nouveau public.

On peut également supposer que les consommateurs attendent d’une marque créateur leader telle que Victoria’s Secret une proposition créative originale, et non issue d’une imagerie en vogue, dictée par une idéologie woke qui n’est pas nécessairement celle qui achète et dont on sait qu’elle est rarement redevable aux marques qui lui font des concessions. 

Comment faire ?

Une marque en quête de renouveau et qui est à la veille d’un repositionnement aussi profond, doit commencer par s’offrir du recul sur les phénomènes sociétaux qui agitent la société. Développer une vue authentique et consistante des aspirations profondes qui animent les femmes en particulier, nécessite une intelligence qui va au-delà de l’écume des combats néo-féministes les plus médiatiques parce que les plus clivants.

Cette exploration se fait en complément d’analyses marketing plus concrètes, qui devraient être capables d’évaluer l’affinité entre sa clientèle historique, son nouveau marché potentiel, et les nouveaux diktats de la mode des minorités.

Enfin, il s’agit de ne pas confondre posture marketing, restructuration et empreinte sur la société. En modifiant son board en même temps que ses égéries, Victoria’s Secret a certainement voulu devancer le reproche d’un “woke-washing” extérieur et superficiel. Mais “changer”, pour une marque – et encore moins pour une entreprise – ne se fait pas sur simple décret. Une raison d’être ne se “relifte” pas, elle émane naturellement d’un business, d’une histoire et d’une identité. Confier cette identité aux idéologies qui veulent précisément la déconstruire avait toutes les chances d’être une mauvaise idée.

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Et comme si ça ne suffisait pas...

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