Netflix réajuste sa philosophie d’entreprise et de collaboration

Le contexte

Depuis quelques temps, Netflix a acquis une réputation de marque idéologique aux productions trop systématiquement pilotées par des considérations LGBT ou de minorités. En avril 2022, Elon Musk tweetait : « Le virus woke rend Netflix irregardable ». Dans un récent article du Point, des témoignages montrent que les minorités elles-mêmes seraient au bord de « l’indigestion » !

Au-delà de ce débat, Netflix a connu de lourds problèmes internes aux Etats-Unis avec “l’affaire David Chappelle” : en 2021, une partie des employés ont exigé, avec l’appui d’associations militantes, la censure d’un one man show jugé problématique pour une blague sur les LGBTQI+ et des déclarations aussi controversées que « le genre est un fait, chaque être humain a dû passer entre les jambes d’une femme pour être sur Terre ». La polémique a dégénéré en grèves, manifestations, appels au boycott…

Est-il exagéré d’attribuer à ces histoires l’essoufflement sans précédent des abonnements de la plateforme ? Netflix semble le penser puisqu’en mai 2022, l’entreprise a pris la peine d’éditer une note qui répond de façon culturelle aux phénomènes idéologiques qui la secouent. 

Ted Sarandos, CEO et woke manager

La crise qu’a provoquée l’affaire David Chappelle a permis au CEO de Netflix de constater l’ampleur des dissensions qui s’étaient répandues dans l’entreprise et dans son rapport au public. Ted Sarandos est intervenu en personne à plusieurs reprises, pour défendre l’humoriste (« Nous n’autorisons pas l’incitation à la haine ou la violence, mais ce spectacle n’en franchit pas la limite ») jusque dans une interview au New-York Times en mai 2022.

En prenant position, il sait qu’il ranime la controverse, mais il sait aussi que le problème finit par représenter un risque économique et financier : David Chappelle est l’un des humoristes les plus populaires du moment aux Etats-Unis, Netflix a signé avec lui un contrat de 60 millions pour six spectacles en 2016. Le dernier, qui faisait l’objet de la controverse, s’est hissé dès sa sortie parmi les « dix œuvres les plus consultées sur la plateforme ». Au cœur de la tempête, le CEO de Netflix avait besoin de toute sa perspicacité économique avant de céder aux pressions d’associations et d’employés et de supprimer un programme n’outrepassant pas le cadre de la loi.  

De façon plus globale, une entreprise de divertissement aussi large et internationale que Netflix n’a pas intérêt à écoper d’un positionnement de niche, spécialisé dans les histoires engagées et la représentation des minorités. Entre les militants “pour” et les militants “contre”, il reste le vaste marché des spectateurs qui aiment simplement les bonnes histoires – policières, romantiques, humoristiques… qu’elles soient “conscientes” et “inclusives”… ou non ! Or, il y a risque pour l’entreprise à ce que la ligne créative et déontologique devienne le champ de bataille idéologique d’associations et d’employés avant d’être l’affaire des créateurs et marketeurs employés pour cela.

Le CEO de Netflix semble avoir jugé nécessaire d’agir. En février 2022, David Chappelle et Netflix ont renouvelé le contrat. Quelques semaines après, la marque publiait un mémo “Culture interne” répondant entre autres à la dimension culturelle du problème.

Un mémo Culture pour “désidéologiser” 

Le mémo Culture de Netflix décrit les “savoir-être” de l’entreprise en termes de management et de collaboration. Mis à jour en mai 2022, il contient de nouveaux paragraphes en allusion directe aux dérives qu’a connues la plateforme. 

Netflix y rappelle par exemple :

  • sa “vocation à divertir le monde en proposant des histoires venues de tous les horizons et en offrant davantage de choix et de contrôle au public”,
  • ses attentes en matière “d’ouverture d’esprit vis-à-vis d’idées et de perspectives différentes y compris avec des personnes qui ne comprennent pas nécessairement vos codes culturels”,
  • l’importance de “discerner les situations complexes” et “d’appliquer la décision finale, qu’elle vous convienne ou non”…

Et si ce n’était pas assez clair, Netflix va plus loin :

“Divertir le monde est un défi immense en raison de la diversité des goûts et points de vue de notre public. Nous offrons un vaste choix de séries et de films, certains pouvant être considérés comme provocants. (…) Personne n’aimera ni n’approuvera la totalité de nos programmes [mais] nous soutenons l’expression artistique des créateurs avec qui nous choisissons de travailler, nous programmons pour des goûts très différents et laissons le public décider de ce qui lui convient plutôt que censurer des artistes ou des voix spécifiques. (…) Suivant votre fonction, vous pourriez devoir travailler sur des titres heurtant votre sensibilité. Si la palette de notre offre est incompatible avec vos principes, Netflix n’est peut-être pas l’entreprise qu’il vous faut.

La culture Netflix – rechercher l’excellence

Démarche suffisante ? Le message, pas si crypté que cela, est en tout cas envoyé, tant aux salariés, candidats, qu’au public externe que cette “saga” peut intéresser. Tandis que Disney persiste et assume son choix de marque engagée à imposer une vision du monde, Netflix semble prendre une autre voie, et avec ce mémo, mettre le cap sur le segment du divertissement sans prêt-à-penser.

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